En art contemporain, on est toujours le médiocre de quelqu’un…et tant pis pour celui-ci !

La chronique N° 46 de Nicole Esterolle

(merci de m’envoyer  directement vos – très utiles pour moi – commentaires, critiques, idées , suggestions,  sur mon mail : nicole.esterolle@gmail.com)

En art contemporain, on est toujours le médiocre de quelqu’un…et tant pis pour celui-ci !

L’an dernier, dans ma chronique n° 38, je vous avais vanté les mérites et  énuméré les différentes vertus du salon « les Hivernales » qui avait eu lieu au Palais des Congrès de Montreuil (métro Robespierre-Ligne 8).
Un salon de la « médiocrité populeuse et suburbaine» aux dires des très distingués criticailleurs d’art orlanesques  germano-pratins,  qui , bien évidemment, n’y avaient pas mis les pieds de peur de s’y endommager leurs précieux  orteils avec lesquels ils pensent et écrivent leurs précieux textes,  mais qui bénéficia d’un étonnant succès de fréquentation et apporta à nombre de ses visiteurs l’impression  de respirer de l’air frais et de vivre une aventure libératrice sur des sentiers non-balisés dans une forêt d’abondance et de diversité.

Toute à mon enthousiasme pour le succès de ce salon d’un nouveau type, « a-contemporain » en quelque sorte, et  d’une  singulière fraicheur, j’avais écrit ce qui suit :

« 1-Les hivernales  apportent la preuve que les notions de générosité, de solidarité, d’affabilité, de respect de la diversité , ne sont pas encore tout à fait disqualifiées  et inopérantes dans le champ de l’art, malgré les incessants procès en médiocrité,   ringardisme, démagogisme, populisme, etc.,  dont elles sont l’objet depuis des décennies de la part des spéculateurs intello-financiers.

2- A partir d’elle,  l’espoir est permis de retrouvailles avec  l’ensemble de la floraison artistique actuelle dans toute sa richesse, sa variété, sa multiplicité et sa nouveauté.

3-Car c’est avec   cette reconnaissance, pour tous les  artistes de ce temps, de tous bords, de toutes tendances, de toutes origines et de tous « niveaux », d’une égalité du droit de vivre, de créer , de parler, et d’être vus, que pourra se faire, non pas un aplatissement où « tout se vaut », comme le craignent certains trissotins,  mais au contraire  une réorganisation « démocratique » du champ de l’art, une reconstruction de vrais  critères d’évaluation esthétique , l’établissement de hiérarchies justes ( comme celles existant en politique à partir de l’égalité en droit d’expression  pour tous les citoyens), des retrouvailles avec le   public des vrais amateurs d’art aujourd’hui désorienté et dégoûté, la dynamisation des libres systèmes de diffusion de l’art…

4-C’est  sur cette  « plate forme » citoyenne élargie, prenant en compte démocratiquement l’existence  de ce vivier riche de toutes les espèces florales existantes,  que pourra se faire la  mise en place d’ instances d’évaluation et de décision,  émanant   dès lors des artistes réorganisés et solidaires ainsi que de  l’ensemble des acteurs de l’art , et non plus d’une  minuscule  élite auto proclamée née d’une consanguinité tératogène. Une caste fin de règne, qui s’est arrogé tous les pouvoirs, qui a imposé des critères délirants, qui a  installé le chaos en détruisant toutes les valeurs  patrimoniales et réduit  la presque totalité des artistes au rang de sous-citoyens méprisables sans aucun droit de regard et de parole sur ce qui les concerne.

5-Oui, c’est par cette généreuse ouverture, expérimentée par Les Hivernales, que nous nous libérerons des méfaits de cette caste invraisemblable née de cette effarante  collusion de l’institution avec le business art international, que pourront apparaître et être reconnues de nouvelles formes vraiment « contemporaines » parce qu’ancrées dans l’entière  vitalité de l’art d’aujourd’hui. »

Je pense en effet que ce dont la production artistique  française souffre aujourd’hui, ce qui l’asphyxie ou la nécrose, c’est bien cette façon méprisante et arrogante qu’ont les réseaux artistiques dominants, de traiter de médiocre, c’est-à-dire de disqualifier et d’exclure,  tout ce qui ne correspond pas à leurs critères, références, langage  et codes d’appartenance à la communauté   supérieure dont ils pensent faire partie. Une élite autoproclamée  dont l’exigence n’est pas dans la recherche d’une qualité intrinsèque et durable de l’œuvre, mais seulement  dans la conformité à ces « signes de distinction », qui ne sont rien d’autre que l’expression  de cette collusion patente entre les  divers types existant d’investissements extra-artistiques, surdéterminés sociologiquement et de nature essentiellement bureaucratique et/ou mercantiles.( les spécialistes de la lutte des classes, dont l’inénarrable Mélenchon, devraient mettre leur nez là-dedans)

Jamais un vrai artiste ne parle de la médiocrité des autres…avez-vous remarqué cela ?
Car il n’a pas besoin de se valoriser en dévaluant ses collègues qui ne sont pas des concurrents, mais des gens  avec qui il est naturellement solidaire et dont il respecte d’autant plus les différences de tendance et de « niveau », qu’elles sont pour lui source d’enrichissement et de renouvellement de ses propres pratiques. (le parrainage de Vladimir Velickovic pour cette édition 2013 est significatif à cet égard ; celui de Pat Andrea pour 2014 aussi)

Jamais un vrai amateur d’art ne criera à la médiocrité après sa visite de tel salon ou foire d’art ;  tout au plus dira-t-il, que « peu de choses lui ont plu », en s’attachant plutôt à raconter ce qu’il a découvert et aimé. Le faux amateur pense que le fait de dire « tout cela ne vaut rien » est une façon de « s’ la péter » cuistrement, de se valoriser lui-même socialement en affichant  son excellence  de crétin hautement culturé et sa capacité supérieure de jugement péremptoire (sans jamais bien sûr se poser la question de savoir ce qui surdétermine ses goûts , ses  dégoûts et son crétinisme …acquis plus que génétique).

Et c’est comme cela qu’en France, après des décennies d’héroïque  combat institutionnel contre la médiocrité artistique (au service d’une qualité supérieure formatée à l’international duchampesque),  95% des artistes sont décrétés mauvais, inutiles  et encombrants, et c’est comme cela que de moins en moins de gens osent acheter  de la peinture de peur de se faire traiter de ringard, de non connaisseur, ou de réac… Quand, dans les autres pays les gens achètent ce qu’ils aiment, sans complexe, et sans se soucier si c’est ou non au top 50 du Ministère de la culture, de François Pinault  ou du grand marché spéculatif…Et quand, en Argentine, l’artiste Milo Locket (voir plus loin) devient héros national… Vive l’art latino américain ! avec ses Segui, Zamora, Pat Andréa, Matta, Lam ,Botero, Kahlo, Rivera…et combien de centaines d’autres

Et c’est comme cela, qu’en France, nous assistons, hébétés, au triomphe des Mosset, Buren, Rutault, Venet et consorts, chez lesquels la béance d’être, l’abyssale vacuité, l’inexistence ontologique,  sont portées à un tel degré de gigantesque perfection, qu’ils ne peuvent bien évidemment être l’objet de quelque reproche  d’ordre esthétique ou procès en médiocrité que ce soit… dans la mesure où le Rien, par nature, n’a, incontestablement, ni odeur, ni saveur, ni couleur et ne peut avoir de qualificatif imaginable dans l’ordre du vivant terrestre et du sens commun qu’il soit animal, végétal ou humain.

Ces Hivernales 2013, se proposent donc, semble-t-il, comme le salon des retrouvailles avec le sens et la substance artistiques, comme le salon de toutes les réhabilitations urgentes et indispensables, dont celle de la Vie, tout simplement, face aux derniers spasmes gesticulatoires d’un système moribond sous ultime perfusion d’argent public.

On le voit sur le dossier de presse que je vous joins : ce « Forum de Montreuil » sera un lieu de rencontres, de débats et d’échanges multiples, de propositions, de reconstructions, d’innovations, et de réflexions tous azimuts pour la recherche d’une alternative à un système en fin de règne, nécrosé de l’intérieur, purulent en surface, bouffé par les asticots fonctionnarisés ou bien par les rats boursicoteurs  et historiquement condamné pour inhumanité, indigence et ineptie  foncières.

Aussi les enjeux de ce Forum dépasseront-ils la vente des œuvres et la découverte de nouveaux artistes, même si ces deux objectifs y conserveront une importance centrale et structurante.
Citons parmi ces importants sujets de réflexion et enjeux :
1- la MDA : Comment  sauver la Maison Des Artistes, cette association d’artistes, forte de ses 20000 adhérents, menacée de ne plus avoir la cotutelle de la Sécu artistes, et donc de ne plus pouvoir jouer son rôle de garant des droits et de facteur de solidarité pour les artistes ? Oui, je pense que la MDA reste pour les artistes la seule voie d’accès pour se doter une organisation juste, démocratique et solidaire… et pour s’extraire de l’actuel système du chacun pour soi, ubuesque, clanique, stalinien, féodal, somalien, burénien, communautariste…d’un autre âge. Artistes, arrêtez de jouer solo, et de faire ainsi le jeu des Ben Ali de l’art…Et puis c’est un peu fort de se faire traiter de fachos par les agents mêmes du totalitarisme artistique français…Non ? ne trouvez-vous pas chers collègues ?
2- Les galeries : Comment mettre en place une autre organisation des galeries d’art , plus ouverte, plus prospective, plus généreuse, au lieu de l’actuel « Comité des Galeries d’art», vieillot, quasi-Alzheimer, de plus en plus peau de chagrin, et complétement obsédé par les références du  grand marché.
3- La critique d’art : Concevoir une organisation de la critique d’art plus libre, plus proche des artistes, plus conforme à l’idée qu’en avaient les créateurs de L’AICA, cette association qui n’est plus aujourd’hui qu’un pantin désarticulé au service de la bureaucratie institutionnelle et des grands réseaux d’intérêts financiers qui la noyautent.
4- La sociologie de l’art : Comment introduire cette discipline dans les écoles d’art au même titre que l’histoire de l’art ? Comment inciter les sociologues à prendre à bras le corps ce sujet délaissé (voire interdit, comme sous l’ère soviétique), à ne plus en avoir peur ?
5- Les médias : Comment, devant l’omerta généralisée, devant le mutisme et la langue de bois des grands médias spécialisés ou non, ainsi complices du cynisme ambiant, ré-ouvrir les portes et les fenêtres à la parole déliée, à l’information, à l’investigation, à l’analyse, à la réflexion ? Comment pour cela utiliser au mieux internet et la blogosphère ? Et surtout comment reparler d’art vraiment, le montrer à nouveau et autrement que par ses obscènes excès médiatiques ?

Oui, ce Forum de Montreuil, a quelques chances d’être passionnant et historiquement important, et mérite que chacun fasse en sorte d’y être présent, que l’on soit artiste, galeriste, journaliste, chroniqueur d’art, amateur d’art, enseignant, étudiant… pour participer à cette nécessaire reconstruction ou ré-actualisation de valeurs qui vont bien au-delà de celles de l’art… mais qui sont celles de l’exacte contemporanéité de chacun, avec soi et avec les autres.

————————————–

Le médiocre du mois

Voici, en pièce jointe, l’image d’une œuvre de Maryan, artiste que j’ai découvert dans le numéro de rentrée du magazine Artension. Né en Pologne en 1927, décédé en 1977 et enterré au cimetière Montparnasse à Paris, ce peintre  juif, rescapé d’un camp d’extermination, cul-de –jatte pour suite d’évasion, est un artiste exclu des collections nationales, d’une médiocrité exemplaire donc  pour la critique orlanesque (1)dont je vous parlais plus haut, qui, ou bien  n’en a jamais entendu parlé, ou bien trouve cela trop expressionniste et pas assez contemporain, et qui n’ira pas voir les expos qui lui sont consacrées au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme à Paris (du 6 novembre au 9 février 2014) et à l’Abbaye d’Auberive jusqu’au 29 septembre, de peur d’en éprouver quelque émotion parfaitement déplacée et d’un impardonnable  laisser-aller  intellectuel…

1- j’emploie ce néologisme pour rappeler que l’actuel Président de l’AICA (Association Internationale des Critique d’Art), bien connu  pour avoir arboré  haute tignasse jaunâtre et avoir écrit l’incontournable ouvrage paru chez Archistorm, « pourquoi y-a –t-il de l’art plutôt que rien ? », est l’actuel compagnon d’Orlan, body-artiste comportementaliste internationale, qui a démarré sa notoriété en 1972, à la FIAC, avec sa célèbre, et désormais historique « turlute de l’artiste » pour 1 franc de l’époque.

Le livre du mois

« Les années noires de la peinture »
Une  mise à mort bureaucratique ?

A travers des centaines de citations d’acteurs institutionnels, Pierre- Marie Ziegler, Marie Sallantin et Aude de Kerros, prouvent et analysent rigoureusement le travail systématique de disqualification de la peinture mené en France pendant trente ans par les agents de l’art d’Etat

Editions Pierre-Guillaume de Roux – Parution  fin septembre 2013

* Signalons la réédition avec nouvelle préface et chapitre complémentaire du livre de  Aude de kerros : « l ‘art caché
-les dissidents de l art contemporain »- Edition Eyrolles

L’affaire  du mois
L’affaire Dussaert
de Jacque Mougneot- 400 ème représentation

Une façon intelligente et drôle de fracasser implacablement  l’ineptie d’un « certain art contemporain »…Seriez-vous le dernier à n’avoir pas vu cette pièce ? Alors regardez la bande annonce ci-dessous…

Voir la bande annonce

Du 12 septembre au 31 décembre 2013
THEÂTRE DES MATHURINS
36, rue des Mathurins. M° Havre-Caumartin RER Auber
du mardi au samedi : 19 h / dimanche : 15 h
Tarif : 28 euros

Le tueur de vaches  du mois

Madame la Ministre de la Culture : Libérez les vaches « sacrifiées » au nom de l’Art le 15 septembre
Dans le cadre de son festival « Cuisine en Friche » Marseille-Provence 2013, dimanche 15 septembre à 20h, Joep Van Lieshout, « artiste » néerlandais international , Charles Assirlikian et Marcel Rei, tous deux bouchers-charcutiers, massacreront deux vaches, au nom de l’art, pour 500 personnes.
Merci de rejoindre cette campagne: http://chn.ge/17se631

signer la pétition: Ministre de la culture Aurélie Filippetti et le
Maire de Marseille : Annuler le banquet The Butcher où 2 vaches vont se
faire massacrer .

Le gnon du mois
Dans la série « les atrocités de l’art contemporain », après le tueur de vaches, voici l’affiche de la Biennale d’Art contemporain de Lyon, où l’on voit un type bien amoché de l’œil droit pour avoir dit ne rien comprendre à l’art contemporain. Je vous joins aussi l’autre visuel choc de la BAC lyon : une tête de porc… la dérision, la cochonaille, la grossièreté, c’est d’un chic pour la branchitude culturelle  !

Mon pote du mois

C’est Olivier Blanckart, artiste martien émergent sur la scène artistique interplanétaire, qui fait des personnages en papier mâché et qui vient d’écrire un texte sur l’expo de BHL à la Fondation Maeght qui ne mâche pas ses mots.
Voici le lien http://www.blanckart.org/page%209/page25.html
Profitez zan pour visiter le site de cet extra-terrestre qui voit le monde de l’art en poésie très distanciée.

L’argentin du mois

Les argentins peuvent être fiers de leur artiste national Milo Lockett, comme les français devraient avoir honte de leur artiste national Buren
http://www.argentina-excepcion.com/blog/milo-lockett-artiste-engage.html

La Biennale du mois

A côté de la sus-dite Biennale d’Art Contemporain, et en même temps, il y a, à Lyon, la BHN, Biennale Hors les Normes, qui est le contre-point ou le contre –poison de la première,  tête de cochon, gnon dans l’œil, ou demoiselle gonflant une capote… la classe internationale quoi !
27 lieux, des dizaines de rencontres- débats , films, 150 artistes que l’on dit , bruts, singuliers, autodidactes, hors-normes, etc… en un mot populaires, c’est-à-dire « médiocres » pour les adeptes de l’art contemporain « dans les normes », formaté à l’international et au marketing culturel chicos, façon tête de porc ou raie de Buren.
Visitez le site de la BHN :  http://www.art-horslesnormes.org/sommaire%20BHN.html

Vous y verrez des artistes en grande fraternité avec Milo Lockett , qui, lui,  est célébré dans son pays, quand ses frères sont, en France méprisés par la plupart des autorités culturelles du pays des Droits de l’Homme.

Harry m’a pomper!

Dans le numéro d’été de Beaux-Arts magazine, il y avait une nouvelle policière signée Harry Bellet, chroniqueur habituel d’art au Monde. Et l’on découvrait dans cette sombre histoire qui se passait dans les milieux de l’art contemporain que l’un de principaux protagonistes, irlandais d’origine,  s’appelait  Nick O’Lesterol… Harry m’a confirmé que j’étais bien son « inspiratrice » pour le nom de son personnage… J’en suis ravie, car cela va m’aider pour la candidature que j’ai posée auprès du rédac-chef du Monde, pour remplacer le pâteux père Plantu et , dans la foulée, la très neuneue  mère Lequeux.
Merci Harry, t’es un vrai pote toi aussi!

 

vos commentaires en direct sur mon mail : nicole.esterolle@gmail.com

MERCI!