Chro 37 – Champagne à gogos et art contemporain

La chronique n° 37 de Nicole Esterock… and roll

 

Champagne à gogos… et art contemporain

 

Je vous ai placé en pièce jointe l’image  de la dernière de couverture du numéro du Figaro Magazine daté du 30 11 12. Il s’agit d’une  publicité pour une célèbre marque de breuvage d’effervescent  où l’on distingue, en arrière plan, un bas –relief de 2007 de Daniel Buren , « travail in-situ », intitulé « Ecrire la craie ». L’artiste a fait pour l’occasion creuser ses célèbres bandes verticales dans la paroi même de la cave, pour une œuvre qui doit défier l’éternité,  parce qu’elle possède, selon l’artiste, tout comme les gravures rupestres des grottes de Lascaux, valeur de  message  à destination des   générations futures …

 

Ainsi donc, après avoir dessiné des carrés de soie pour Hermès, conçu une ligne de tasses à café pour tel fameux porcelainier,  fait des petits carreaux pour le nouveau design des sacs Vuitton, notre anartiste des années 70, rêve-il  aujourd’hui d’éternité en plaçant sa force de subversivité dans un art pariétal au service d’une prestigieuse marque de pétillant.

 

Ainsi donc ,  notre vieux band’art, an’art et maoiste, fait-il opportunément  dans le produit  pour richissimes,  chinois, russes  et autres, à un moment où les valeurs boursières des entreprises du luxe flambent comme jamais, et où les ventes du business art international battent des records… Comme cela se passe toujours quand la récession et la misère s’installent et que l’on assiste à l’appauvrissement de tout le monde y compris de la majorité  des artistes.

 

Ainsi donc, notre « outilleur-bidouilleur  visuel » national, non content d’avoir amassé des montagnes  d’argent public comme prestataire de « visibilisation » auprès du dispositif culturel d’Etat, ramasse aussi de l’argent de la même façon avec de grandes  entreprises capitalistiques

 

Ainsi donc, ce  produit de pur in-situ de la gauche – caviar- Mitterrand-Mollard-Lang – culture – paillettes  et  plumes dans la raie , ne répugne-t-il  pas non plus à œuvrer toujours in situ avec la droite Champagne – Rolleix – Fouquet’s – Figaro – Sarko  et Carla chansonnette …

 

Mais ce qui ne manque  pas d’être extrêmement émouvant, dans cette rencontre fortuite de la bouteille de bulleux avec la raie buréneuse sur un plateau de maturation vineuse, c’est que nous avons là, la preuve tangible de cette vertueuse collusion qui existe de nos jours entre l’appareil institutionnel, dont Buren est le produit  emblématique, et la grande finance  dont la bulle de Champagne est le symbole d’autant plus festif, exultant  et triomphant, qu’il se place  sur fond de désenchantement social généralisé

 

Si je possédais son adresse mail directe, j’enverrais bien cette chronique à notre pétillant Jean-Luc Mélenchon, avec le document joint pour le soumettre à sa bouillonnante sagacité politique, lui qui a pris en mains un parti qui a toujours benoitement pensé que la culture de classe devait aussi profiter aux masses laborieuses et qui n’a jamais imaginé que  l’esthétique cynique des dominants puisse être un moyen parmi d’autres de mieux endoctriner, assujétir   et exploiter les dominés.

 

Je l’enverrais aussi aux représentants du parti écologiste vert et décroissant, en essayant de leur expliquer que Buren, c’est un peu comme le Round-up de Monsanto, ça nettoie radicalement le champ de l’art de toutes les floraisons sensibles, imaginatives, poétiques, ancrées dans une personne, un vécu, un lieu, un terroir, une culture…libres en quelque sorte et donc non conformes à la norme fixée par les multinationales  du business-art .

 

NB : L’abus de Buren, comme d’alcool, est dangereux pour la santé. A consommez avec modération : d’où la brièveté de cette chronique…

du Buren et du bulleux