Panique à la CIPAC, Confédération des Professionnels de l’Art Contemporain

Panique à la CIPAC, Confédération des Professionnels de l’Art Contemporain !

Il n’y a plus d’argent  dans les caisses de l’Etat, et c’est bien sûr la panique dans l’appareil institutionnel  et para –institutionnel subventionné, qui voit ainsi la manne publique, sous laquelle il est en permanente perfusion pour exister, se tarir dangereusement.

Sauvez-nous, Madame la Ministre ! implorent  les 1.600 professionnels de l’art contemporain et les 550 structures culturelles  (musées, galeries subventionnées , écoles d’art, artothèques, centres d’art, AICA, bibliothèques, Fonds régionaux d’art contemporain) groupés sous le label CIPAC, pour la défense de leurs prérogatives.

Sauvez la culture ! pétitionnent –ils à tout va…Car la culture, c’est eux et en aucun cas les artistes comme le disait, il y a quelques années un des responsables de cette organisation, lors d’un de ses congrès annuels, avec cette formule devenue célèbre : «  Quoi ? Inviter des artistes à notre congrès ? Et pourquoi pas aussi  inviter des malades à un congrès de médecins ? »…

Mais pour ce qui est d’inviter les Pinault, Lambert et autres richissimes collectionneurs à profiter du dispositif muséal et patrimonial publics pour valoriser leurs produits, là, il n’y a pas de problème, pas de conflits d’intérêts, pas de magouille…et puis quoi, quelle dérogation  à la morale et au droit communs, ne  se permettrait-on pas pour aider cette grande cause et « exception » nationale qu’est la culture? .`( Et puis, que voulez-vous, aux prix pharamineux qu’atteignent les œuvres du grand marché, il est impossible de leur faire une belle expo à Beaubourg sans le « soutien »  de la grande galerie et de ses collectionneurs milliardaires qui voient ainsi  leur produit prendre encore plus de valeur… et être dès lors encore plus inaccessible pour les expos et collections muséales, etc. )

Et pour ce qui est d’inviter toutes les associations et structures subventionnées à devenir des outils de propagation de l’esthétique  foutage de gueule du grand marché spéculatif de type Koons, Hirst, Murakami, Cattelan, etc., , aucun problème non plus ! La collusion patente entre l’appareil institutionnel et le business art international étant  une pratique courante et  tout à fait naturelle dans la tête des gens du CIPAC, tout comme, corollairement, peuvent l’être leur mépris et leur méconnaissance de 95% de la production artistique de ce pays ( Cruel tout de même pour tous ces dévoués  de la culture de classe et de fric, d’être ainsi lâchés comme des harkis, après avoir si bien servi  pendant des années à l’enrichissement des spéculateurs des administratifs et des affairistes de l’art)

Oui, bien que je sois résolument  une femme de gauche, j’ai tendance à penser que cette pénurie d’argent pour l’art contemporain officiel est une aubaine pour l’art et les artistes, car elle peut être utile pour une vraie réflexion sur l’interventionnisme d’un Etat de gauche en la matière. Je pense aussi que le fait qu’Aurélie Fillipetti « débarque » la pauvrette, sans rien savoir ni comprendre probablement à ce qui se passe et s’est passé,  peut lui être utile pour une vraie, libre et sans a priori restructuration de son appareil.

Enfin, j’ai été immensément heureuse de recevoir cette lettre ouverte, que je vous joins ci-dessous, émanant manifestement d’un agent d’Etat pour l’art contemporain, parfaitement au courant du fonctionnement interne du système, dissident du CIPAC, traitre à sa cause : une taupe en quelque sorte, qui doit absolument cacher son identité pour ne pas être fusillée sur le champ par les sbires d’une DRAC quelconque.

Cette lettre devrait être lue solennellement à l’ouverture du prochain congrès du CIPAC. Elle prouve qu’au sein- même de l’appareil, il y a de la résistance cachée. Elle prouve  que tout le personnel n’est encore complétement lobotomisé par  les terrifiants sermons des innombrables ayatollahs de la doxa artistique française tels que les  Blistène, Bouriaud, Sans, Ardenne, Millet, Douroux, De Loisy, Pacquement, Allizard, Marcadet, Lequeux, ect., dont il faudra bien couper la chique un de ces jours.

Lisez-la absolument, c’est un bijou de haute orfèvrerie, un régal absolu pour le cœur et l’esprit !

Voici cette lettre ouverte :

Madame la  Ministre de la Culture,

L’ensemble des personnels sécuritaires de l’art contemporain français , réunis dans la  CIPAC  ( Confédération Interprofessionnelle des Polices Artistiques & Critiques ), dit aujourd’hui son inquiétude et son incompréhension, vu son budget-fric global qui reste bloqué chez vous.
Cette décision de geler l’augmentation de notre fric public ne va bien sûr rien changer à la condition de l’écrasante majorité des artistes de ce pays — pour eux, depuis longtemps c’est déjà l’enfer, haha ! — mais elle va gravement amplifier notre petit malaise à nous, corporation tellement miteuse que depuis des années déjà, elle ne récoltait que le plus petit budget du Ministère de la Culture. Et notre syndicat vous le demande solennellement : pourquoi ça, hein, pourquoi ? Dites-le nous donc si vous êtes vraiment une Miiinistre ! Car tous les autres cultureux nous rigolent au nez quand on leur pose la question…

A côté des grands institutions de l’art contemporain que nous abhorrons vu que nous serons à jamais infoutus de les diriger (et dont nous avons laissé entrevoir aux visiteurs étrangers consternés à la dernière Triennale de Paris, sous quels flots de néant nous serions capables de les noyer), à coté de ces grandes institutions, il y a NOUS.
NOUS : les rois de la petite expo de proximité réunissant 25 personnes et autant de gobelets en plastique le soir du vernissage. Sans budget de production pour les artistes, mais avec une petite publication financée à 100 % sur fonds publics qui finira immanquablement soldée à un Euro cinquante chez Mona Lisait, vu que personne ne les achètera jamais, mais c’est pas grave, car la seule finalité  de ces opuscules est de gonfler artificiellement l’épaisseur de nos propres CV en prévoyance des jours de chaises musicales où nous nous redistribuons les postes les uns aux autres.

Nous,  les princes de la résidence temporaire à mille Euros le mois pour jeunes artistes fauchés et dociles — futurs fossiles, aux tréfonds intribulés d’introuvables provinces de banlieues. Ça ne profite ni à l’art ni aux artistes, mais ça comble la supérette, le Bricomarché et l’élu local, justifiant ainsi le financement de nos petits emplois culturels tout le reste de la sainte année.

Nous,  les commissaires, qui, dans l’attente du jour sacré où s’achèvera notre quête du Graal curatorial — l’exposition sans œuvres !!— veillons à ne mouler aux quatre vents scolaires de nos moulins artothèquaires de deuxième génération, que des idées sans formes ou bien des formes sans idées, en récitant le mantra de nos titres d’expositions ineptes : « disjonctions », « dérives et des rêves », « objet-milieu », « transition », « futurs anté- rieurs » « même pas mort » « western moderne » « looping » « vous êtes ici » « sugar water » « résonance » « caractère » « texto » « leçon de choses » « ponctuation » « géométrie singulière » « évolution » « à contretemps » « présumés innocents » « top 50 » « au pied du mur » « irrévérences »…. oui, indéniablement: «une connerie terrible est née»(Biennale de Lyon 2009).

Nous,  les promoteurs des petites écoles d’art, locales et supérieures à la fois, d’où sortiront demain les futurs formateurs précaires des stagiaires free-lance en médiation culturelle intérimaires d’après-demain. Inexorablement OGMisés par des injections de pseudo- littérature rebaptisée pratiques d’écriture et de para philosophie rebaptisée recherche, au dépens des expérimentations plastiques, nous attendons le jour où — nos écoles étant rendues au comble du ratatinement — l’Université n’aura même plus à se baisser pour nous ramasser comme des figues trop mures éclatées sur le sol, avec une pince à déchets.

Nous,  les syndics de la petite commande publique discrètement invisible pour ronds-points, abribus, lignes de tramway et restos-U; garantie sans risque pour la vue, l’esprit, et intégralement accessible aux usagers à compréhension réduite. Artologues aphémiques reconvertis en forains culturels, nous redéployons aux beaux jours nos trampolines événementiels sur d’anciens cénotaphes dédicacés : « Au monument inconnu », comme des Antéchrists de Miséricorde pour les enfants battus des « Divorcés de la Tour Eiffel ».

Nous, les indignés moins dignes que des ouvriers arbitrairement licenciés de Peugeot, Mittal ou Lejaby, qui crions à la menace contre l’art contemporain si l’un d’entre nous est juste non-reconduit en fin de mandat, en raison de sa trop flagrante incompétence et qui lançons des pétitions de soutien internationales qui feront immanquablement postillonner de rire le microcosme artistique de New-York à Berlin.

Nous,  stoïques politiquement ! Quand le FN montrait ses crocs dans nos Régions, mettant toute la Culture en ébullition, nous seuls, courageusement, nous nous terrions. Quand la droite attaquait l’art, la culture, l’intelligence, déclenchant des tornades d’indignation, nous seuls, persévérants, nous nous taisions. Mais quand la gauche fraîchement élue revient au pouvoir — et sur nos budgets, alors, nous les premiers, énergiquement, nous pleurnichons. Des larmes — comme nos langues — de bois.
Schizophrènes des quatre fers, nous sommes de droite intrinsèquement quoique de gauche structurellement. Socio-cul pratiquement et libéraux substantiellement, nous nous sommes complaisamment offerts comme charognes en pâture à la pub, à la mode, au design et au fric, dans les ruines désertées de l’avant- garde.

Nous,  petits-enfants pénultérins issus des accouplements monstrueux de Michel Troche avec Claude Mollard, subissant depuis trente ans la violence incestitutionnelle de nos propres pères, forceurs de nos pensées, de nos gorges critiques, et même de nos entrecuisses parfois, avec leurs boursouflures statutaires turgescentes, leurs titres usurpuants, leurs salaires impudiques, leurs honoraires d’experts décalottés, leurs pratiques de frais de mission honteuses, et les giclées poisseuses de leur glamour bureaucratique compulsif étalées sans pudeur. Et voici qu’au moment où ces soixante-huitarés s’en iraient croupir leur néant théorique dans des retraites plus obscures qu’un tombeau de Max Ernst profané, vos restrictions budgétaires viendraient miner notre espoir de nous vautrer à notre tour dans la bauge de leur corruption.

Madame la Ministre, sous notre ère, pratiquement aucun artiste d’envergure mondiale n’a émergé de ce pays. Et absolument aucun n’est parvenu à s’imposer. Pour une bonne part, vos subventions nous permettaient d’y veiller efficacement. Toutes les issues, sitôt qu’il s’en dessinait une, nous les avons bloquées successivement, et afin que même les plus grands parmi les plus prometteurs demeurassent obligés de s’en aller courbés, nous avions pris soin de faire renforcer et rabaisser le plafond de verre artistique français.

Notre vieux pays fourbu n’en a que trop connu de ces monstres sacrés, les Courbet, Rodin, Duchamp, Léger, Picasso et autres César, ingérables de leur vivant, inassurables après leur mort, et nous avons juré: PLUS JAMAIS çA! La France n’a pas besoin d’artistes qui n’auraient pas besoin de Nous.
Ainsi, grâce à notre vigilance, nul Cattelan, nulle Whiteread, nul Fischli & Weiss, nul M. Barney, nul Mc Queen, nul Kelley, nulle Sherman, nul Koons, nul Tur- rell, nul Ruff, nul Basquiat, nulle A-V. Jansens, nul Balkenhol, nul F. West, nulle Goldin, nul Delvoy, nul R. Prince, nul Barcelo, nul Kapoor, nulle Stockholder, nul Kippenberger, nulle Kusama, nul Gurski, nul Rondinone, nulle Holzer, nul Kieffer, nulle… Louise Bourgeois française n’ont surgi.

Nul, nul, nul artiste français ! Mais attention ! On n’est pas restés totalement inactifs non plus. Du gibier de biennale, par exemple, on en a toujours fait, un peu. De la viande d’expo collective aussi — morte ou sur pied, ça finit toujours par s’écouler sur le marché domestique. Et même du jeune broutard d’école juste diplômé, exploitable de suite en salons « jeune découverte », qui rend pas trop mal en principe, du moins jusqu’à l’âge d’abattage, au bout de trente-six mois.

Sinon tenez. Le cas limite type pour nous, c’est les deux  veaux d’or incontournables de l’officialité franco- française — Boltanski, Buren. Ils s’étaient déjà pas mal engraissés avant la création de nos exploitations, d’accord ! Il n’empêche. Grâce aux commandes et aux aides publiques de toutes sortes dont nous les avons littéralement gavés par la suite, ils n’ont jamais pu accéder à une stature indépendante et incontestable d’artistes d’influence mondiale, comme, au hasard, John Baldessari, Christo, ou William Klein…

Aux dernières nouvelles, il paraîtrait que les Grandes Expositions, Monumenta et Versailles, vont s’arrêter !! Tout le monde dira évidemment que c’est de votre faute politique et budgétaire. C’est bien pratique. Mais c’est aussi un peu frustrant pour notre corporation dont le rôle, une fois de plus, n’est pas reconnu. Car en vérité,  nous savons pertinemment, nous, que c’est précisément grâce à notre patiente œuvre d’éradication bureaucratique qu’il ne subsiste plus aujourd’hui aucun artiste français de taille à relever des défis artistiques d’un tel niveau.

C’est à se demander si vous êtes bien maligne Madame la Ministre.
Même si vous êtes trop jeune pour vous souvenir que le véritable geste fondateur de notre prise du pouvoir absolu sur l’art en France fut une ratonnade artistique en bonne et due forme, un beau jour de mai 1972… Et  voyez plutôt comment, depuis, avec si peu de fric et de compétences réunis, nous avons cependant conservé le meilleur ratio de flicage social, esthétique et intellectuel de tout le secteur culturel français !

Avec nous, pas de crise des intermittents, nulles manifs bruyantes sous vos fenêtres, aucune inauguration sous les lazzis, point d’occupations sauvages. Juste quelques lamentations autocomplaisantes et policées comme celle-ci, strictement institutionnelle notez bien ! — aucun artiste n’a cosigné notre glorieuse page de pub dans Libé (http://www.cipac.net/actualites/la-culture-une-priorite-pour-la-france-et-l-europe.html ).

Vous n’êtes pas convaincue? Imaginez un peu une République censitaire des Lettres qui serait représentée seulement par les éditeurs, des agents littéraires et Amazon. Ou une industrie du cinéma feudataire qui ne s’exprimerait que par la voix des producteurs, des exploitants de salle et des patrons de festival. Oui, imaginez la belle paix des cimetières culturels qui prévaudrait.

Avec nous, Madame la Ministre, le milieu de l’art français est devenu aussi calme et silencieux qu’un point de distribution des Restos du Cœur à la tombée du soir. Si parfois ça ronchonne bien un peu ici ou là, c’est toujours à voix basse, entre soi, par tout petits groupes dispersés, tandis que l’atmosphère exhale la peur diffuse et la résignation: les gueux, tête baissée autour de la marmite, ont eu vite fait d’apprendre à leurs dépens les règles qui conditionnent l’aumône artistique. Les rares qui ne voulaient pas comprendre, tous savent confusément comment nous les avons chassés, barrés, exclus, censurés, ridiculisés, insultés publiquement ou secrètement, diffamés, privés d’ateliers. Et même fait poursuivre en justice, voire menacer de mort. Et tranquilles avec ça. Car nous nous savons protégés par le vieux truc imparable des curés pédophiles : avec nos bonnes gueules culturelles et nos cartables fatigués, personne ne voudrait jamais croire que nous soyons capables d’aller aussi loin dans la saloperie: ce sont nos victimes qui risqueraient de passer pour folles!

Oui, oui, Madame la Ministre, nous méritons bien le surnom d’enfoirés.

Madame la Ministre, le CIPAC, notre organe officieux affirme que vous n’aimez pas l’art contemporain. A charge de réciprocité, sachez que nous non plus nous ne vous aimons guère — mais la question n’est pas là. Car, comme diraient des banquiers véreux de Wall- Street sortant de la Maison-Blanche : « nous sommes dans le même bateau ». Craignez le jour où, nous étranglés, il n’y aurait plus, face à face, que des artistes, leurs œuvres, un public, et quelques intellectuels débattant passionnément. Comme quand la France était l’épicentre mondial des arts et des idées, en somme. En un temps, il est vrai, où il n’y avait pas de bureaucratie de l’art contemporain… et pas non plus de Ministère de la Culture.

CIPAC , Confédération Interprofessionnelle des Polices Artistiques & Critiques.
8 rue Yves Trouduc, Montpellier sur Seine :  http://www.cipac.net/

Transférez à Madame la Ministre !
Vous pouvez transférer ce mail à Madame la Ministre, en le chapeautant de vos propres commentaires
au mail aurelie.filippetti@culture.gouv.fr, ainsi qu’à
sa directrice de cabinet laurence.angel@culture.gouv.fr, ainsi qu’à son attachée de presse Lydia.poitevin@culture.gouv.fr, …

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