L’art contemporain, c’est bon pour le moral

La chronique n° 34 de Nicole Esterolle

L’art contemporain, c’est bon pour le moral

Lorsque les ouvriers des aciéries de Florange ont appris que leur patron, Monsieur Mital, qui, d’un côté,  les licenciait pour faire des économies, avait par ailleurs dépensé 24 millions d’euros pour la tour des jeux Olympiques de Londres   conçue par le Financial contemporary artist Anish Kapoor, cela leur a,  paraît-il,  grandement remonté le moral.

Quand ensuite, on leur a annoncé que leur haut – fourneau désaffecté serait bientôt « mis en lumière » pour un millions d’euros par l’ambianceur Claude Lévêque, autre  Financial contemporary artist de la Galerie Yvon Lambert, comme il avait été précédemment procédé pour le haut-fourneau U4 d’Uckange, alors, ils se mirent à danser de joie autour de leur représentant syndical.

L’art contemporain semble donc de plus en plus indispensable, en ces temps de récession économique et de baisse du moral des ménages, pour remettre un peu de gaité au cœur à tous ceux qui souffrent de la dureté du temps.

Egayant en effet d’apprendre qu’il existe depuis peu des tasses à café signées Daniel Buren : http://www.artaban.com/categories/petit-prix-art-design/coffret-tasses-daniel-buren

Rigolo de découvrir la ligne de bottes en caoutchouc décorées d’haricots multicolores signés Claude Viallat (La galerie Bernard Ceysson et Sergio Rossi sont heureux de vous inviter à l’exposition de 18 bottes peintes par Claude Viallat. Le vendredi 22 octobre de 18h à 22h en présence de l’artiste)

Réconfortant de savoir  que Rüdiger Weng, de la galerie chinoise Weng Fine Art, l’un des marchands d’art les plus influents du monde, vient d’annoncer un chiffre d’affaire en hausse sur les six derniers mois, de pre?s de cinq millions d’euros  et un re?sultat net apre?s impo?t de 1,3 millions d’euros ; et  cela pour moins de dix salarie?s payés au SMIC.

Hilarante cette performance de l’artiste plasticien Abraham Poincheval, qui s’est fait emmure? dans les fondations de la galerie Histoire d’un jour à Marseille, pour y passer « 604.800 secondes », titre de la performance, enferme? dans un trou de 62 cm de diame?tre et 1,70 m de profondeur recouvert d’une e?norme pierre, prive? de lumie?re et dans l’impossibilité de s’asseoir ou se coucher.

Cocasse cette exposition à la la galerie Metro Pictures, de? New York, de l’artiste Andreas
Slominski intitule?e : « Sperm », qui, comme son nom l’indique,  pre?sente au public de la semence humaine et animale disperse?e dans la galerie sur les murs ou au sol. Avec notamment  l’œuvre Sperm of a Black Panther (2012) constitue?e du sperme de l’animal sur une paire de sandales, mais aussi de Sperm of Two Pilots ou du sperme humain expose? au mur au dessus de bottes de foin ( L’artiste nous dit-on, porte beaucoup d’importance au principe de fertilisation qu’il conside?re, a? juste titre, comme e?tant la cle? de l’existence )

Enthousiasmante pour nos valeureuses   Gueules noires cette exposition en pays minier, intitulée Age of Coal , « qui se penche sur la manière dont le charbon a influencé et défini la production artistique », et où ils pourront voir le fameux sac de charbon suspendu au plafond de l’Armory Show par Marcel Duchamp en 1917, et le non moins historique tas de charbon de Vernar Benet en 1965 à New York.

Tonifiante pour la santé du marché que cette vente chez Sothebies d’un sac de 150 kilos de graine de tournesols en porcelaine du célèbre dissident chinois Ai Wei Wei, au prix de 140 000 euros (voir ma précédente chronique)

Poilant d’apprendre que c’est ce même chinois qui va représenter  l’Allemagne à la prochaine Biennale de Venise
Etc…

On pourrait, au-delà de ces quelques exemples pris au hasard,  citer des centaines, voire des milliers, d’opérations art contemporain toutes plus roboratives et stimulantes les unes que les autres pour le moral du citoyen que l’inepte fait rigoler, … Mais il y en a une qui semble vouloir les couronner toutes, c’est  celle de Bertrand Lavier que l’on peut voir actuellement au Centre Pompidou.
Une exposition rétrospective qui semble vouloir célébrer l’art contemporain comme  colossale poilade, et pour ses vertus neurothérapeuthiques de celle-ci en termes de stimulation des glandes productrices d’endomorphines, de  dopamine et autres hormones du bon moral et de la joie populaire.

Avec Bertrand Lavier en effet, nous dit Philippe Dagen, le critique d’art le plus marrant de la place de Paris  « On ne compte plus les musées, biennales, expositions personnelles et collectives où ses objets et installations ont fait entendre son rire – celui du pastiche, du sacrilège, de la parodie et de l’absurde ».

Désopilant en effet ce  Bertrand Lavier, quand il réaffirme comme Franck Stella, que la peinture sur la toile doit être aussi belle que la peinture dans le pot ou dans le tube, et que c’est la raison pour laquelle il a pris le parti de ne pas même la sortir du tube et de peindre le tube d’une autre couleur que celle qu’il y a dedans.

Distrayant, quand il repeint en blanc un réfrigérateur déjà blanc et qu’il installe un gros caillou dessus, on ne sait trop pourquoi, sinon pour  que la pièce ainsi formée soit évaluée à 900 mille euros dans la Collection qu’Yvon  Lambert donnée à la France

Comique, et récréatif pour collectionneurs  d’art africain, quand il coule en bronze ou en métal chromé des statuettes Dogon

Divertissante, sa façon de « bouleverser les codes de la peinture et de la représentation » , quand il monte sur socle une tronçonneuse électrique achetée 125 euros chez Castorama et que cette petite facétie à  trois balles est estimée aujourd’hui à 90 000 euros dans la prestigieuse collection avignonnaise de Lambert.

Burlesque en diable quand il précise que « Teddy, l’ours en peluche (100 000 dollars), ne doit rien au hasard, qu’il ne l’a pas trouvé abandonné dans la rue, mais acheté aux puces et choisi pour son air vicieux ».(voir photo ci-dessous)

Réjouissant de l’entendre dire : « « Oui, je ne mesurais pas à quel point mes pièces ont un côté narratif. », avec son éternel sourire jaunâtre de  nounours vicieux et son allure sournoisement modeste de vieux dandy farceur post duchampien de sous-préfecture, toujours prêt à dégainer  une formule sibylline, façon plaisanterie éculée ou perfidie bien  faisandée au sujet de l’art,  des artistes et de la société de communication.

Esclafatoire de l’entendre dire  qu’il a fait des études d’horticulture et que c’est lorsqu’il a compris que l’art contemporain n’était pas de l’art, qu’il est devenu artiste contemporain

Très drôle de savoir qu’il a commencé sa carrière en peignant  en blanc les feuilles d’ampélopsis (vigne vierge) de sa maison, que cela a plu énormément  à l’énorme  critique d’art Pierre Restany, qui l’a présenté à l’exquise Catherine M. , etc.

Réconfortant quant il précise : « … On parle toujours, à mon propos, de ready-mades. Mais ce n’en sont pas. Je crois avoir échappé à Duchamp, être au-delà. »… Car voici un artiste qui dépasse de loin Marcel  Duchamp et Daniel Buren réunis,  en matière de drôlerie, bien plus marrant en effet,  plus poilant, plus enjoué, plus primesautier, que sais-je ?…plus performatif dans la sollicitation des muscles zigomatiques et des glandes à hormones de la joie.

Mais quant à moi, que tout ce qui précède  ne fait absolument pas rire, ce qui vient de me mettre vraiment en joie, de me remonter le moral à fond, de me déclencher une sécrétion de dopamine aussi forte que pour un bel orgasme, c’est d’apprendre que, d’un commun accord, le préfet du Vaucluse, Marie-Josée Roig, maire d’Avignon, et la direction des affaires culturelles de la ville ont décidé, mardi 18 septembre, de suspendre Jean-Marc Ferrari, dont je vous avais parlé dans mon avant-dernière chronique N° 32 , directeur de l’Ecole supérieure d’art d’Avignon, ami d’Yvon Lambert, fervent adepte de Harcel Duchamp, et accusé justement de marcélement moral et sexuel par quelques – unes de ses élèves.

Voyez à ce sujet ma précédent chronique n° 32 sur le site www.schtroumpf-emergent.fr
et lisez le texte de Harry Bellet sur le lien : http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/09/21/le-directeur-de-l-ecole-des-beaux-arts-d-avignon-suspendu-de-ses-fonctions_1763714_3246.html

Et  ce qui booste encore plus mon moral, c’est d’imaginer la tête déconfite que font aujourd’hui tous les  « grands noms »  de l’art contemporain français qui ont signé la pétition de soutien au présumé harceleur , tels que  Christian Boltanski, Joel Hubaut, Philippe Cazal, Ami Barak, Eric Duyckaerts, Bernard Marcadé, Ghislain Mollet-Viéville, Françoise Gui, Jean de Loisy, Arnaud Labelle-Rojoux, Pierre-Jean Galdin,Yves Le Fur, etc, Autant de  jolis spécimens d’apparatchiks verrouillant l’appareil institutionnel, acteurs d’un harcélement duchampien tous azimuts et qui voient avec inquiétude, dans cette condamnation de l’un des leurs, les murs de la forteresse de l’inepte qu’ils ont construite, se fissurer dangereusement pour eux… C’est d’imaginer aussi la profonde dépression morale d’un Yvon Lambert qui voit avec cette affaire la valeur estimée de sa collection bidon diminuée d’au moins  50%, et qui voit également le cynisme et le pervers moins efficients en termes de stratégie artistico-financière.

le nounours à l'air vicieux

(Cette chronique est envoyée régulièrement par ailleurs à 13 000 journalistes ,  diffuseurs d’art , artistes et décideurs institutionnels  en France.)

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