La chronique n°18

Biennale de Lyon : une terrible logorrhée en est née.

Voici un  tout petit extrait du  texte de cinq pages bien tassées (dont l’une vous est jointe) que Thierry Raspail, le Directeur de la Biennale d’Art Contemporain de Lyon vient d’écrire pour la préface du catalogue de cette manifestation, qui a pour titre « une terrible beauté est née »:

« La plasticité des faits d’histoire, comme celle des œuvres quelles qu’elles soient, et qu’elles s’espacent dans le temps ou non, délimite un cadre, une configuration et des périphéries, qu’il est vain d’énoncer a priori. (…) Mais à cette histoire, il faut bien un début, car avant d’être un qui (playlist), l’exposition  est un comment. Qu’est-ce qu’un début ? s’interrogeait Louis Althusser avant d’étrangler son épouse (…) Comme l’histoire générale, mais pour un temps seulement, l’exposition doit pouvoir tracer sans trahir les propriétés combinatoires d’une morphologie définitivement conjoncturelle, sans passé ni avenir, au présent. Et contenir en prélude (ce qui interdit au « savoir constitué », comme à la « certitude des choses », à la « pensée  readymade », à la « structure » et au « fondement »), d’imposer un type, fut-il « idéal (Weber), un modèle, (un telos), et contenir, ce qu’à défaut de mots nous empruntons à Carlos Ginsburg, « des éléments impondérables » : le flair, le coup d’oeil, l’intuition. »

Je vous soumets cela, car j’aimerais savoir si je suis la seule, à ressentir le caractère absolument abscons, insensé, délirant, complètement halluciné ou explosé du dedans, de ce texte, dont on se demande si son auteur n’a pas trop fumé la moquette et ne va pas bientôt manger son chien, sa sacoche  ou la plante verte de son bureau.

J’aimerais savoir aussi si je suis la seule à détester le  caractère éminemment anxiogène de l’épais catalogue où ce texte  figure , avec sa sinistre  mise en page toute en noir et sa ligne graphique façon pièces d’archives du  KGB, avec ses articles  optiquement illisibles et intellectuellement foutraques, avec ses terrifiantes images  pourries, ses cinq pages entièrement blanches, ses doubles pages de cercueils, d’entrée de cimetière ou d’intérieur de bouche aux dents fracassées, avec cette poisseuse complaisance pour les misères du monde, avec cette obsession permanente du questionnement sans fond sur le réel ou sur l’histoire, avec cette compacité inouie de négatif, de morbide  et de désenchantement… Bref, savoir si je suis la seule donc, compte tenu de ce pathos  catastrophile ou nécrophile, à m’inquiéter sur  les chances de survie sur cette terre, de l’art, de l’humanité, des animaux et des plantes vertes.

Car enfin , cette Biennale n’a rien  d’une inoffensive amusette  de quartier, c’est une énorme  machine de guerre médiatique qui  est devenue l’emblème de notre vitalité culturelle  nationale (pas étonnant d’ailleurs, qu’avec cette réussite planétaire, son directeur,  parvenu au paroxysme  de boursoufflure de son ego, puisse  se permettre impunément de faire preuve d’ une telle effervescence langagière et d’une bouillie rhétorique  qui lui serait fatale dans tout autre domaine. Il paraît d’ailleurs, qu’au mieux de son exaltation mégalomaniaque , il lui arrive de grimper sur son bureau pour hurler comme Tarzan en se frappant la poitrine). Car la Biennale est une  colossale  usine à gaz culturel. Elle fait la fierté des édiles locaux.  Elle coûte je ne sais plus combien de millions d’euros à la région, à la ville et aux sponsors (Dont les casinos Partouche au fameux slogan: « la culture pour tous, partout, Partouche »). Elle emploie des centaines de personnes. Elle occupe avec ses manifestations annexes des centaines de lieux dans les zones prioritairement défavorisées des alentours.  Elle fait venir des trains entiers de journalistes transbahutés logés-nourris et encadrés pire qu’en URSS. Elle  se paie quatre pages centrales dans le Monde signées par la dream team de la critique d’art française : la fameuse triplette Dagen -Lequeux – Bellet, etc.,

Je m’inquiète donc de cette croissance exponentielle d’un contenant qui semble ne pouvoir se faire que par diminution accélérée de la possibilité de retour  d’un contenu positif, vivant, sain, senti, pensé, coloré, travaillé, inventé, généreux, prospectif, aimable à voir et qui élève l’âme….

Je m’inquiète de voir politiques et journalistes, tous ensemble piégés dans un même mécanisme incontrôlable, honteux parfois de ne rien pouvoir faire et dire pour réguler cette emballement de l’inepte, qui ne leur fasse risquer de perdre leur rôle et attribution dans cette même mécanique décérébrée.

Mais je me réjouis  en voyant le Conseil Régional proposer en ses magnifiques locaux tout neufs , cette exposition intelligente  et gaie de peintres de la tendance Lowbrow et Pop-surréalistes, en contre point de cette biennale stupide et triste, et comme pour se faire pardonner le soutien obligé qu’il apporte à cette dernière.

(Et je vous joins aussi cette belle image du Pop surréaliste  Tom Schorr, qui pourrait opportunément s’intituler « Tarzan, la honte de la jungle »)