Du vomi et de l’ « art contemporain »

La  chronique n° 33 de Nicole Esterolle

 

Du vomi et de l’art contemporain

 

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Et vous découvrirez la performance de la plasticienne américaine Millie Brown, superbe créature sur très hauts talons et tout de noir vêtue, qui vomit tour à tour du liquide  jaune, vert, bleu, violet sur une toile posée à plat sur le sol. Les vocalises de deux amies couvrent le bruit provoqué par les vomissements. La toile se vend 1500 dollars… Ce qui prouve que les artistes américains ont, en matière de performances plasticiennes, toujours  une longueur d’avance sur les français – comme l’avait très bien souligné le rapport Quémin en 2001 déjà – ,  puisqu’autant que je sache, on n’a pas encore vu en France d’artistes  émergents  subventionnés pour vomir réellement la peinture…sinon pour la vomir au figuré.

 

On vient de me signaler aussi une très belle exposition en Belgique d’un autre « plasticien » qui fait des toiles avec son caca, chaque œuvre étant assortie d’une notice mentionnant ce que l’artiste avait mangé la veille pour obtenir telle nuance , tel savant dégradé ou telle fulgurance chromatique… Ce qui prouve que les belges aussi ont une longueur d’avance en matière de performativité picturalisante sur les Français malgré les soutiens dont ceux-ci bénéficient de leur  Ministère

 

J’avais pourtant, il y a une vingtaine d’années, communiqué à ce même  Ministère et à la Délégation aux Arts Plastiques une liste de 200 idées de performances d’art contemporain que j’avais fait le pari  à un ami de concevoir et d’écrire en un seul week end. Personne ne m’a répondu, mais j’ai constaté que, depuis 20 ans, plusieurs  des  concepts de crétineries possibles dans le genre questionnement sociétal ou subversion des codes, que j’avais envoyés en hauts lieux , ont été mis en œuvres – dont celles du vomi et du caca – et que certaines d’entre elles  figurent dans les FRAC et font ainsi aujourd’hui partie du patrimoine national ou valent très cher sur le marché international … Aussi  regrettai-je maintenant de n’avoir pas déposé toutes ces idées à l’INPI.

 

Ceci dit, je n’ai rien contre le travail de Millie, que je trouve très courageux, soigné, élégant, professionnel, assez virtuose,  et, finalement,  plutôt amusant et sympathique. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard si elle est l’amie de Lady Gaga, pour qui j’ai la plus grande et sincère estime.

Non, le spectacle de la  régurgitation multicolore de Mademoiselle Brown n’a pour moi vraiment rien de nauséabond ou de vomitif. Beaucoup moins en tous cas que la lecture des textes de Mademoiselle Lequeux, ou de ceux de Monsieur Dagen dans Le Monde. .. Par exemple… Car les occasions d’avoir envie de vomir  sont nombreuses également à l’examen des  textes des dossiers de presse que je reçois quotidiennement concernant les expos dans les FRAC et autres centres d’ « art contemporain »… Sans oublier de ce qui se passe en ce moment à l’école des Beaux Arts d’Avignon, dont je vous ai parlé dans ma précédente chronique.( voir le site  http://www.esa-avignon.fr/ )

 

Mais le record, à mon avis,  dans ce registre du dégueulatoire, c’est bien ce que je viens de lire dans la news letter de l’AMA (Art Media Agency  qui est une agence de contenu spe?cialiste du marche? de l’art.) au sujet de l’artiste chinois Ai Wei Wei. On y trouve en effet une « étude analytique » de la valorisation  de cet artiste – formé pendant plusieurs années aux USA à l’école Andy Warhol – avec les courbes et diagrammes des variations de sa fabuleuse cote sur le marché international, en fonction de ses provocations médiatisées et du nombre de milliers d’articles parus sur celles-ci dans les journaux du monde entier. Le pic de visibilité, et donc de valorisation,,  ayant été obtenu lorsque l’artiste a enfoncé symboliquement son majeur droit dans l’anus de Mao Tsé Toung et obtenu pour cela les quelques semaines de prison qui ont fait sa notoriété planétaire. Il s’était signalé auparavant par ce mur de cartables d’enfants pour protester contre l‘incurie des pouvoirs publics chinois ayant, faute d’avoir fait construire des bâtiments assez solides, causé la mort de centaines d’enfants lors du tremblement de terre de Yushu en 2010. Il avait provoqué l’émoi en Angleterre avec son exposition à la Turbine Hall de la Tate Modern à Londres d’un tapis de 100 millions de graines de tournesol en porcelaine peinte , lequel tapis avait fonction de se moquer  des images de propagande qui, pendant le révolution culturelle, représentaient Mao en soleil et le peuple en fleurs de tournesol tournées vers lui et «encourager beaucoup de jeunes à s’exprimer»….Tapis toxique , puisque qu’il a causé suffocations  et vomissements chez les visiteurs afficionados de  l’art contemporain qui avaient droit de marcher dessus et se vautrer dedans. Tapis abject, puisqu’il était le résultat du travail de plusieurs années de 1600 ouvriers chinois surexploités qui n’avaient bien sûr aucun droit de s’exprimer sur l’ineptie de la chose qu’ils fabriquaient. Mais tapis lucratif, puisque  les premières « reliques » de cette installation proposées à la vente quelque temps plus tard ont été vendues 140 000 euros le sac de 100 kilos de graines… Ce qui permet d’estimer la  valeur totale des 10 millions de graines d’ un poids de 150 tonnes, à la valeur totale de 1500×140 000 = 210 millions  d’euros… avec zéro euros pour les 1600 ouvriers qui se sont ruiné la santé pour réaliser cette gigantesque crétinerie pathogène.

 

Plus vomitif que ça, on ne trouve pas ! me direz vous… Et bien si, on trouve !

 

Car , pour moi, l’encore plus dégueulatoire, sternutatoire, suffocatoire et défécatoire à la fois, c’est bien  la servilité obtuse de tous  ces godillots  de chroniqueurs d’art de tous pays et surtout français, tous rassemblés, autour  des Gagossian, Pinault, Buren, Millet, Lambert et Cie, des  grands financiers et institutionnels de l’art, dans le chœur mondial des vierges effarouchées par les vilains censeurs de tous bords,  pour  hurler à  l’ignominie des autorités chinoises qui baillonnent  la liberté d’expression, et pour chanter les louanges de  ce business- artist opportuniste , faiseur d’argent sur  la misère du monde , aussi habile stratège en communication que  nullard  créateur de formes. .. quand eux-mêmes sont le pur produit d’un régime artistique de type totalitaire , interdisant tout autant – et même plus insidieusement – qu’en Chine  la variété des expressions.

 

Oui, cette horde  de chroniqueurs  d’art formatés à la solde du grand capital imbécile de tous pays , me donne autant la nausée que les apparatchiks chinois (dont ils  sont quelque part les alliés objectifs) , et je les enverrais bien tous faire un stage chez la délicieuse Millie Brown pour acquérir un peu de tenue et de respect d’eux-mêmes et apprendre ce que c’est que la vraie peinture et la vraie démocratie!

 

 

(Cette chronique est envoyée régulièrement par ailleurs à 13 000 journalistes ,  diffuseurs d’art , artistes et décideurs institutionnels  en France.)