La chronique n° 27

La chronique n° 27 de Nicole Esterolle

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A propos de Dédé l’embrouille et de sa « beauté processuelle »

 

André Rouillé tient régulièrement chronique sur le fameux site paris-art.com qu’il a créé et dirige depuis quelques années. Dans le milieu, on le  surnomme Dédé l’embrouille pour son talent exceptionnel de mélangeur culturel et d’hybridateur  d’opinions, pour sa capacité à la flexibilité mentale, au grand écart acrobatique du cortex cérébral, qui lui permet de mixer toujours avec la même élégance langagière, ceci et son contraire, la confiture avec la moutarde, les vessies du bas avec les lanternes du haut, les serviettes de droite avec les torchons de  gauche, la chèvre de  devant avec  le chou de derrière … Toutes aptitudes  lui permettant de mieux entretenir et faire avancer LE – DÉ – BAT, dont il se place en arbitre distancié et impartial, expert bien au-dessus de la mêlée, guide  suprême bénissant  telle  partie ou excommuniant telle autre, du haut de son magistère auto-attribué , au gré des prévisions de la météorologie de l’art et des annonces publicitaires embarquées sur son site.

 

Sa chronique du 20 mars 2012 s’intitule donc «  une beauté processuelle » et vous pouvez la lire en cliquant sur le lien suivant : http://www.paris-art.com/art-culture-France/une-beaute-processuelle/rouille-andre/382.html#haut

 

Ce concept de « beauté processuelle », c’  est une notion tout à fait inédite, cela vient de sortir,  c’est Dédé  l’embrouille lui-même qui vient de l’inventer, et ça va faire date dans l’histoire de l’art.

 

Pour comprendre ce dont il s’agit, il suffit de lire ces courts extraits  de sa dernière chronique : « Après avoir été longtemps pensée comme essentielle, transcendante et universelle, et avoir suscité la concentration, l’admiration ou l’exaltation, la beauté a changé de nature avec l’art contemporain qui, d’œuvre en œuvre et d’une infinité de manières, a instauré une beauté processuelle, sans doute plus proche de celle des sciences et des mathématiques que de celle des traditionnels arts plastiques (…)Une profonde césure esthétique traverse le champ de l’art d’aujourd’hui où s’affrontent deux forces radicalement opposées, et totalement irréconciliables: d’un côté, les artistes qui créent de leurs mains des choses parfaitement catégorisées (peintures, sculptures, gravures, etc.); d’un autre côté, des artistes dits «contemporains», ou plutôt «plasticiens», qui ne sont ni spécialement peintres, sculpteurs ou graveurs, mais tout cela à la fois ou successivement, et beaucoup de choses encore…??Si les «arts de la main» sont artisanaux, les arts contemporains sont, eux, conceptuels, mais au sens où les œuvres contemporaines sont désormais, et de plus en plus, des actualisations sensibles de concepts ou de projets (…) Car l’innovation artistique ne consiste plus à faire advenir des sensations et des représentations aux confins de la fidélité à une pratique et un matériau, mais à concevoir les matériaux, les protocoles, les outils et les formes les mieux à même de donner corps, matérialité et consistance à un projet esthétique — un concept (….)Il s’agit moins d’une beauté plastique et de surface offerte à la contemplation que de la beauté du processus d’actualisation d’un projet-concept,(…) A l’absolu d’une beauté statique, rétinienne et supposément universelle, de larges pans de l’art contemporain substituent une beauté processuelle, libérée de l’autorité d’un ordre esthétique transcendant, mais directement accordée à la qualité, la pertinence, l’élégance et l’inventivité du processus d’actualisation d’un concept-projet singulier. »

Autrement dit : sachez, chers lecteurs, que dorénavant, deux sortes de beauté vont s’affronter dans un « total fight » dantesque: avec  d’un côté, la beauté traditionnelle des arts de la main, et de l’autre, la beauté processuelle des arts du cerveau.

Mais il semble bien qu’à l’occasion de cet affrontement, notre arbitre ait  pour une fois dérogé à sa règle de neutralité embrouilleuse et clairement  pris parti pour le cerveau contre la main, quand on lit : « Cette singulière liberté de pratiques artistiques processuelles, exercées hors et contre les règles et les méthodes traditionnelles de l’art, désoriente les adeptes de la tradition qui ne voient dans ces œuvres contemporaines que laideur, vacuité, saleté et répugnance…Le laid, le rien, le sale, le répugnant: ce lexique, qui est devenu au cours de l’histoire de l’art moderne celui des réfractaires aux innovations (….)Ce lexique de rejet et d’hostilité révèle en fait chez ceux-ci,  un refus d’admettre la singularité des fonctionnements, valeurs et critères de l’art contemporain. Les termes qu’ils emploient  sont  inopportuns par leur inutile violence, mais surtout inadéquats par leur façon de soumettre les œuvres contemporaines à des critères qui ne sont plus les leurs. »

 

Ainsi, selon Dédé l’embrouille, il est maintenant clairement établi que les critères de la beauté processuelle dépassent totalement les capacités intellectuelles des tenants de la beauté traditionnelle. Car pour ces derniers la beauté reste malheureusement  toujours accrochée au sensible, à la transcendance, à l’émotion, à la nécessité intérieure individuelle, au métier, au respect de l’autre, au savoir faire dans la mise en forme, au sens et au vécu, au territoire, au terroir, à la matière, au contenu, à l’inscription dans une culture, à l’éthique,  à l’humanité, etc . , toutes  notions ou valeurs considérées comme parfaitement archaïque, obsolètes, anticontemporaines, pénibles  intellectuellement , provinciales, rurales,  ringardes, réactionnaires, populistes, démagogiques, pétainistes, lepénistes, nationalistes, extrème-droitières, etc. ,  par les partisans de la nouvelle beauté processuelle.

 

LA BEAUTÉ SERA DONC PROCESSUELLE OU NE SERA PAS ! . Il faut vivre avec son temps, et, dans ce qu’il nomme  « querelle des anciens et des modernes », notre Dédé a choisi son camp : celui des inéluctables vainqueurs, celui de la modernité post-contemporaine, celui de l’avenir, celui du progrès formaté , celui de la globalisation de l’art, bref celui de « la beauté du processus d’actualisation d’un projet-concept », proche de celle d’une équation mathématique ou d’une loi physico-chimique, avec la même rigueur intellectuelle, parfaitement aseptisée, désensibilisée, dématérialisée, … bref : technocratique et performative en diable!.

Bon, on voit bien venir l’entourloupe grosse comme un camion de foin…Car maintenant, mon cher Dédé, il faudrait que tu comprennes pourquoi tu ne vas pas réussir à nous embrouiller comme ça…

Parce que ta démonstration ne fonctionne que par défaut :

défaut d’abord de cette capacité à comprendre ce qu’est l’art, à le saisir de l’intérieur (cette incapacité rédhibitoire et centrale qui est le moteur de tous les sophistes , trissotins,  et autres chroniqueurs- fellateurs- embrouilleurs de l’art)

énorme omission ensuite de trois paramètres ou facteurs qui surdéterminent cette « processualité » de l’art contemporain, (du discours qui va avec dont tu nous sers un si bel exemple), et qui entache gravement sa « pertinence » et sa « durabilité »…

Premier facteur : l’intervention massive de l’appareil d’Etat pour cette intellectualisation-dématérialisation de l’art – pour cette « processualisation » de la beauté, comme tu le dis si poétiquement -, qui n’aurait aucune existence possible sans perfusion constante à l’argent public.( La nécessité de cet ingérence d’Etat tient dans  cette loi très simple que, plus l’art est vidé de sa substance, formaté à minima, mieux il est gérable institutionnellement et instrumentalisable en termes d’administration et de politique culturelle.)

Deuxième facteur : le besoin de cette même processualisation dématérialisante, qu’a également le financial – art, ou business-art international, pour la fabrication de produits financiers suffisamment vides de contenu pour avoir meilleure vertu  spéculative.

Troisième facteur : la collusion patente qui existe entre l’appareil d’Etat et le grand marché spéculatif de l’art ( Lisez la sociologue Nathalie Heinich).

 

Voilà, mon cher Dédé : il suffirait que l’un de ces trois mécanismes soit contenu ou régulé par simple intervention humaine, pour que ta « beauté processuelle » retourne à son ineptie originelle, et que tu cesses d’essayer de nous embrouiller les neurones comme tu le fais.

 

 

 

 

 

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